La chasse au sucre
Chronique du 8 mai 2024
On connaissait la chasse aux canards, la chasse aux œufs et la chasse au dahu.
Depuis un petit moment déjà, nous nous adonnons à une autre chasse plus vertueuse ; la chasse au sucre. Chacun à notre façon. Avec plus ou moins de succès. Et avec plus ou moins de conviction.
Tout d’abord, il y a le théoricien zélé ; Charmant CEO qui a épluché toute la littérature scientifique et tous les numéros de « Elle » et de « Santé Magazine » consacrés au glucose. Il a écouté Danièle Gerkens, Jessie Inchauspé, Jimmy Mohamed et Jean-Michel Cohen. Il scrute les étiquettes du moindre produit qui franchit le seuil de la maison et qui paraît trop bon pour être honnête.
Il connaît les statistiques, les pourcentages, les effets à long terme sur la santé métabolique. Charmant CEO ; un esprit érudit, limite dogmatique, qui se fait « tranquilou pilou » des crêpes au Nocciolata le dimanche parce que « bon, un peu, ça va ».
À noter : le pot de Nocciolata est toujours vide mais « c’est pas moi, j’en mange jamais ! ». Tu penses…
Ensuite, il y a le videur de boîte de nuit ; l’auteur de ces lignes (auteur, autrice… je cherche encore). Je sélectionne, je jauge, je filtre, j’excommunie :
— Ton nom ?
— Glucose, M’sieur.
— Ça va pas être possible. T’as cru que c’était l’UTMB ici ou quoi ?
— Ben c’t’à dire que la dame là, je crois qu’elle se prend pour Emelie Forsberg. Lui faut sa dose avant d’aller crapahuter dans la pampa…
— Hum… C’est vrai que la dame est bizarre. Et eux, c’est qui ?
— Eux ? c’est caféine et électrolyte ; mes associés. J’peux rien faire sans eux…
— Hum… Ok, ça va, vous pouvez entrer. Mais, j’te préviens : au premier signe de grabuge, à la première aura migraineuse, j’vous fous dehors à coup de pieds dans l’train, c’est compris ? Suivant ! Qu’est-ce que tu veux, p’tit gars ?
— Moi, je suis le pot de sucre du gâteau au yaourt pour Mini-CEO et..
— Oh ! Si c’est pour Mini-CEO… Sois le bienvenu ! Passe une bonne soirée. Suivant ! Alors là, non, ça va pas être possible.
— Mais…
— Impossible, j’te dis. L’accès est interdit aux viennoiseries ! N’insiste pas ; accès refusé… même avec un pot de vin.
— … sûr ?
— Bon écoute… Ajoute deux billets verts et c’est ok pour une petite moitié. Surtout : on s’connaît pas !
Et puis il y a le traître à la couronne ; Mini-CEO, 6 ans, toujours à l’affût de la bonne planque pour des bonbecs dont on ignore parfois comment ils sont tombés en sa possession.
En classe, Mini-CEO a appris à composer un repas équilibré et qu’il fallait limiter les sucres rapides, « parce que sinon, ils font vite un gros bidon ! ». Il a décidé que plus tard, il deviendrait inventeur (fini Ninja et Astronaute-magicien ; les enfants grandissent trop vite !). Point de machine à téléporter, non. Il inventera le fast food qui ne propose « que des hamburgers équilibrés ». Entrepreneur de père en fils ? Ô joie…
Cela étant, je ne crois pas trop à son discours, voyez-vous. Je pense qu’il cherche plutôt à nous endormir, ce petit petzouille. Je m’explique.
Il y a quelques jours, Mini-CEO est rentré de ses vacances au paradis (Papi & Mamie’s Paradise). Deux semaines durant lesquelles, il s’est vautré dans les Danettes, les Pavlova, les îles flottantes, les Cacolac et les bonbons (allez savoir pourquoi, le sucre semble être la matérialisation de l’amour que les grands-parents portent à leurs petits-enfants). Et je soupçonne Papi de l’avoir fourni en boîtes de Smarties et en bonbons Arlequin.
Pourquoi ?
Parce que je retrouve des cadavres dans toutes ses « super » cachettes. Et parce que le sucre, dans le cerveau de Mini-CEO, ça lui fait pousser des ailes grande comme ça ! Après avoir boulotté glucose, saccharose et arômes naturels, il se prend pour le fils spirituel du Joker et de Ma Dalton ; un créateur de chaos pas commode et susceptible.
Nous chassons le sucre. Chacun à notre façon donc... Avec plus ou moins de succès. Et avec plus ou moins de conviction.